
Si vous vous souvenez, en 2022 je me suis lancée dans le parcours victorien, un défi littéraire qui consiste à lire au moins un roman victorien par mois. Vous pouvez d’ailleurs trouver ma pile à lire et le calendrier des auteurs dans mon article de présentation de ce parcours. Je vous avais déjà parlé de mes lectures de Villette et de Shirley de Charlotte Brontë, lu dans le cadre de ce parcours en janvier. Le mois de février a été consacré à Elizabeth Gaskell, une romancière victorienne que je n’avais encore jamais lue. A cette occasion, j’ai pu découvrir trois de ces romans : le célèbre Nord et Sud, le tout petit récit La Confession de Mr Harrisson, et enfin, son dernier roman resté inachevé Femmes et filles. Je peux déjà vous dire que tous ces romans ont été d’excellentes lectures et que j’ai eu un véritable coup de cœur pour Femmes et filles. Elizabeth Gaskell s’est donc immédiatement glissée dans le podium de mes romanciers victoriens préférés !
Nord et Sud
« Mais je sais qu’elle ne m’aime pas. Je me jetterai à ses pieds, je n’ai pas le choix. Si je n’avais qu’une chance sur mille, ou un million, je la tenterais ».

Comment j’ai pu attendre aussi longtemps pour découvrir ce chef-d’œuvre de la littérature victorienne ? Je ne saurai le dire… Mais je me réjouis à la perspective de cette année victorienne qui me permet justement de combler ces quelques regrettables lacunes !
Comme le titre le laisse supposer, Nord et Sud est un récit de confrontation entre deux mondes à première vue irréconciliables : entre l’Angleterre du Sud, paisible et rurale et celle du Nord industrielle et impitoyable. Mais c’est aussi une confrontation entre les patrons et les ouvriers, deux classes sociales « dépendant étroitement l’une de l’autre et qui, pourtant, considèrent chacune les intérêts de l’autre comme opposés aux siens ».
Tous les désaccords se cristallisent dans l’opposition entre deux personnages principaux. D’un côté il y a Margaret Hale, fille d’un pasteur rebelle qui vient s’installer avec sa famille dans le Nord, perçu comme un coin sale et maussade. Volontaire et généreuse, Margaret se lie d’amitié avec une famille d’ouvriers et ne voit dans cette société nordiste nouvelle pour elle que la cruauté et l’injustice.Et de l’autre côté, il y a John Thornton, un manufacturier énergique et un patron exigeant, qui a fait son nom et toute sa vie dans le Nord. Tout les oppose et ils vont se livrer une véritable bataille d’opinions. Mais cette confrontation leur permettra aussi de mettre en lumière leurs préjugés et de nuancer leurs points de vue. Et malgré leurs différences, un certain attachement naîtra entre les deux…. Le Nord et le Sud ont-ils une chance de se réconcilier ?
La plume d’Elizabeth Gaskell est sublime, et les personnages font partie de ceux qu’on n’a pas envie de quitter à la fin. J’ai mis un peu de temps à m’attacher à Margaret mais j’ai été touchée quasiment tout de suite par la sincérité de Mr Thornton malgré ses airs d’un dur. Je vous recommande mille fois ce roman que j’ai pris un grand plaisir de lire
Les Confessions de Mr Harrison
« Il était une fois un fringant jeune homme à marier… »

Cette citation pourrait parfaitement bien résumer le roman Les confessions de Mr Harrison d’Elizabeth Gaskell. En réalité, il ne s’agit même pas d’un roman, mais d’un court récit qui compte à peine plus d’une centaine de pages. Un bon moyen de faire une rapide excursion dans l’œuvre d’Elizabeth Gaskell et de découvrir son style d’écriture espiègle et percutant. Le narrateur de l’histoire, Mr Harrison est un jeune médecin londonien qui vient s’installer dans une petite bourgade de province pour seconder Dr Morgan, un médecin plus expérimenté. Dès les premiers jours, son mentor lui prodigue ce conseil qui malgré sa sagesse ne lui attirera que des ennuis : montrer de la sollicitude envers ces patients.
« Identifiez-vous à vos malades, mon cher garçon. Vous avez dans votre bon cœur assez de compassion, j’en suis certain, pour être vraiment touché par la douleur, lorsque vous écoutez le récit de leurs souffrances, et cela les apaise de discerner chez vous l’expression de ce sentiment. »
L’arrivée de ce jeune célibataire est vécu par beaucoup comme un grand événement. Les invitations pour les thés et les soirées se multiplient, tout le monde s’arrache le nouveau venu. Mais sa sollicitude, sa compassion et son envie de bien faire se retrouvent vite confondus avec de l’affection, voire de la séduction. Et les ennuis commencent…
Avec beaucoup d’ironie et d’humour, ce récit dépeint donc les mœurs d’une petite ville provinciale où les rumeurs se propagent comme une traînée de poudre et où la réputation peut voler en éclats en un clin d’œil. Je trouve que, étant très court, ce récit ne permet pas totalement d’apprécier toute l’étendue du talent d’Elizabeth Gaskell. Mais c’est tout de même un petit texte savoureux, plein d’esprit et de charme !
Femmes et filles
« Il était une fois, un pays , dans ce pays il y avait un comté, dans ce comté il y avait ville, dans cette ville il y avait une maison, dans cette maison il y avait une chambre, dans cette chambre il y avait un lit et dans ce lit il y avait une petite fille. »

Certains livres peuvent parfois ressembler à des havres de paix. En les ouvrant, on se sent, au moins pour un petit moment, coupé du monde et en sécurité. On a presque l’impression de vivre à la place des personnages, de ressentir les mêmes émotions, d’avoir les mêmes craintes ou d’aspirer aux mêmes choses qu’eux. Le roman Femmes et filles d’Elizabeth Gaskell a été pour moi une telle boule de sécurité et de réconfort, face à la réalité pas toujours très réjouissante. Il s’agit, je pense, de mon roman préféré de l’autrice jusqu’à maintenant.
L’histoire racontée dans ce roman est vieille comme le monde. Dans l’Angleterre rurale du début de XIXe siècle, Mr Gibson, un médecin de campagne, veuf et père solitaire d’une jeune fille, décide de se remarier pour apporter à sa fille Molly la stabilité et le soutien féminin. Son choix tombe sur une femme assez mondaine, elle-même veuve et mère d’une jeune fille de même âge, Cynthia. Molly est anéantie par l’idée de remariage de son père, mais décide toutefois de donner une chance à sa nouvelle belle-mère…
Nous allons donc suivre la vie de cette famille recomposée qui rassemble quatre personnes aux mœurs et aux tempéraments complétement différents. Tout autour d’eux gravitent plein d’autres personnages tout aussi intéressants : les Cumnor, la famille aristocrate locale, les Hamley, les propriétaires terriens appauvris, ou encore les demoiselles Browning, les vieilles filles du coin… Les portraits de tout ces personnages sont d’une grande richesse et profondeur psychologique. Ils sont vivants, imprévisibles, avec leurs défauts et leurs qualités.
Ce roman est très long, il compte près de 1100 pages ! Mais je l’ai trouvé tellement poignant et émouvant, notamment grâce à Molly, l’héroïne principale inoubliable, que j’ai pris un énorme plaisir à le lire. Je l’ai lu en février, mais je pense qu’il ferait une merveilleuse lecture d’été.
Ces trois romans d’Elizabeth Gaskell m’ont ouvert l’appétit pour d’autres romans de cette romancière. Si le mois de février avait été un peu plus long, je pense que j’aurais continué avec joie mon exploration de son oeuvre avec notamment Les Amoureux de Sylvia ou Ruth, ses deux romans que j’ai le plus envie de découvrir !
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