Les Sœurs Brontë : la force d’exister, Laura El Makki

« La maison des Brontë était un drôle d’endroit. On partageait des rêves, on écrivait des chefs-d’œuvre, mais on cachait aussi aux autres – aux aimés – qui l’ont été vraiment. »

Avec le début de mon Parcours victorien qui consiste à découvrir un auteur victorien tous les mois pendant un an, le janvier est passé sous le signe des sœurs Brontë. Je vous avais déjà parlé de ma récente lecture de Shirley et de Villette de Charlotte Brontë. En complément de ces deux romans, j’ai aussi eu l’occasion de lire avec mon club de lectures la courte biographie de cette famille littéraire qui avait autant marqué l’histoire de la littérature anglaise et qui a fait preuve d’une grande vitalité et de force à toutes épreuves. C’était une lecture très fluide et très plaisante dans l’ensemble qui m’a permis de reconstituer le puzzle de tout ce que je savais déjà de la vie des sœurs Brontë et d’apprendre de nouvelles choses. Cependant, en refermant la dernière page, je me suis sentie un peu frustrée, pour une raison que je vous explique dans cet article…

Présentation de l’éditeur

Haworth, 1836. Dans les landes du Yorkshire, Charlotte (20 ans), Emily (18 ans) et Anne (16 ans) écrivent à la lumière de la bougie. Comment ces jeunes femmes de condition modeste, sans relations ni entregent, vont-elles devenir des auteurs qui comptent ? Quel rôle tient leur frère Branwell, artiste raté, dans cette fratrie à la fois soudée et rongée par les non-dits ? Partie sur les traces des soeurs Brontë, Laura El Makki nous plonge dans leur intimité, leurs alliances, leurs déchirements, et nous raconte le destin de trois femmes aux prises avec l’adversité, qui ont su trouver en elles la force d’exister.

« Sororie » littéraire

Dans cette biographie, Laura El Makki dresse le portrait des trois sœurs Brontë avec leurs personnalités complétement différentes. Charlotte est dépeinte comme la plus ambitieuse, la plus résolue, mais aussi la plus froide, cassante, voire injuste. Emily brille par son indépendance, mais aussi son cœur généreux, et bien sûr, son grand talent littéraire admiré par sa sœur ainée. Anne quand à elle est la plus douce et effacée, mais on sent aussi qu’elle a un caractère fort et résolu. C’est elle d’ailleurs qui recueille le plus de sympathie de la part de l’auteure qui déplore le manque de reconnaissance de son talent.

Mais cette biographie nous permet aussi d’explorer les liens unissant les membres de cette famille, les marques laissées sur sur leurs existences par la religion, les morts à répétition et par la fulgurante déchéance de leur frère, Bramwell, le fardeau et les espoirs brisés de la famille. Tous ces événements donnent un éclairage intéressant sur leurs œuvres. En effet, on y découvre leurs sources d’inspiration, leurs aspirations à des différents moments de leur vie, leur lutte acharnée pour se faire une place dans le monde littéraire de l’époque très fortement masculin.

« Si l’Histoire regorge de fratries d’artistes, les exemples de fratries d’écrivains sont rarissimes, inexistants si l’on cherche du côté des femmes – il faudrait dire « sorories », d’ailleurs, mais le mot n’est pas très heureux. Celle des Brontë est mystérieuse, car elle s’est forgée loin de l’agitation intellectuelle de la capitale anglaise, à la lumière de la bougie. »

Dans l’ensemble, Laura El Makki rend un très bel hommage à la force vitale de la famille Brontë dont le quotidien et la vie étaient loin d’être faciles. Malgré les épreuves et les malheurs, ils ont réussi à surmonter la douleur des pertes à répétition, la déchéance et l’alcoolisme de leur frère, les incertitudes d’avenir, en trouvant un échappatoire dans l’écriture et la littérature.

« Contre le souci et le malheur, elles ont regardé les épreuves comme des chapitres et transformé les chocs en mots. Elles ont créé, quand d’autres auraient voulu mourir. »

Mon avis

Bien que la lecture de cette biographie m’a procuré le plus grand plaisir, plus j’avançais dans ma lecture, plus je m’interrogeais sur l’impartialité de la représentation des trois sœurs. Cette biographie s’attache à une noble cause : mettre en valeur Anne, sœur cadette très souvent injustement sous-estimée. Et je ne peux que me réjouir de cette démarche car j’aime énormément les romans de Anne Brontë, souvent occultés par les œuvres plus connues des ses sœurs.

Ce qui m’a cependant un peu gênée c’est que « la réhabilitation » de Anne se passe un peu au détriment de sa sœur Charlotte. Le portrait de cette dernière est de plus en plus dévalorisant au fil des pages. Elle est présentée comme égoïste, froide, indifférente, voire mesquine. J’ai fini par m’interroger sur l’objectivité de ce portrait. L’auteure va même jusqu’à lui attribuer des « pensées secrètes » et à spéculer sur la possible destruction de sa main des manuscrits inachevés de ses sœurs qui seraient susceptibles de « nuire à sa réputation »… J’avoue que ces insinuations subjectives m’ont un peu déplu. Mais comme on s’était justement demandé dans notre groupe de discussion, une biographie peut-elle être complétement objective ?

Ma note : ★★★

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